vendredi 10 janvier 2020

Travail sur les kashash al haman de Beyrouth

 Kashash al haman

Le kashash monte sur son toit
Il libère les pigeons
Des cris, des frondes et ils tournent
Ces pigeons sont ses yeux
Ses ailes pour trouver liberté
Il défie, il ose
Il chasse la liberté d'un autre kashash

Depuis 2 années, en coopération avec l'IFPO (Institut Français du Proche Orient), nous avons commencé un travail documentaire sur les kashash al hamam, ces personnes installées sur les toits pour élever et dresser des pigeons. Ce travail concerne les Kashash al hamam d'une banlieue sud de Beyrouth, un milieu où la vie est difficile, où réfugiés syriens, Doms, sans papiers ou clandestins essaient de s'en sortir du mieux que possible. L'activité de kashash al hamam est "un jeu" qui consiste à utiliser un groupe de pigeons en les faisant voler au dessus du quartier afin de kidnapper des pigeons à un autre kashash. 

 Pour ces personnages aux histoires souvent complexes, cette activité sur les toits au dessus des taudis représente une façon de s'évader, de retrouver un peu de liberté. Souvent ils nous disent qu'ils s'imaginent à la place de leurs oiseaux, et qu'ils peuvent survoler la ville au coucher et au lever du soleil. Une façon de retrouver un peu de liberté, un peu de dignité dans ce quartier où ils se sont perdus. Contrairement à l'impression de "jeux" que l'on croit voir en levant la tête vers le ciel, cette activité est une vraie confrontation, une compétition, une recherche de pouvoir. L'élevage, la sélection et le dressage de ces pigeons nécessitent beaucoup d'argent, de savoir faire, de patience et d'adresse. Ces personnages forment une communauté crainte et admirée au sein de laquelle la compétition est sans relâche pour obtenir plus de pouvoir. Une sorte de hiérarchie s'installe et les groupes de kashash sont sous la domination d'un chef, un caïd. Quand les rapports de force entre kashash al hamam vont trop loin, c'est à coup de barres de fer ou d'armes automatiques que la balance retrouve son équilibre.

Premières images montées

 Avec une amie Ethnologue, Emma Aubin-Boltanski, nous suivons les activités de quelques kashash al hamam d'un quartier voisin de Sabra et Chatila. Ce travail consiste à questionner ces kashash sur leurs activités, à monter sur les toits avec eux, les observer au quotidien, fréquenter leurs cafés et lieux d'échanges, découvrir leurs groupes whatsapp... Au bout de plusieurs années, la confiance s'installe.  L'histoire de nos personnages et l'évolution de l'occupation des toits du quartier nous permettent de prendre conscience de l'importance de ces rapports de force dans la vie du quartier. 



Plusieurs articles sont en édition, pour le magazine "Terrain" , pour la revue "Ethnologie Française" .
Un film documentaire est en réalisation avec un financement du CNC.

 


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